mercredi 15 décembre 2010

Le Procès

ndlr: Cette nouvelle est un hommage au film ‘le jour où la terre s’arrêta’ l’original de 1951 de Robert Wise (pas le remake de 2008).

Chapître I

“Le soleil se couche sur Central Park”


Nous sommes le vendredi 14 décembre 2012. Le soleil de fin de journée recouvre Central Park d’un voile orangé, révélant encore plus les contrastes de cet espace de nature totalement domestiqué. Il fait plutôt chaud pour cette fin d’automne, un sorte de second été indien qui ne présage rien de bon pour l’hiver à venir. Tout le monde sait qu’il n’y a plus vraiment de saisons de nos jours.

En cette fin d’après-midi radieuse, personne n’admire les couleurs chatoyantes du coucher de soleil, personne ne se soucie des dernières lueurs de l’astre lumineux se déversant sur les fleurs du parc. Non, le monde entier a les yeux braqués sur la télévision, petite lucarne qui diffuse en ce moment un incroyable évènement, un show diffusé en direct sur tous les écrans de la planète.

De CNN au chaînes internet, toutes les télés du monde observent l’entrée du siège de l’ONU. “On est en direct” indique la régie de CNN au commentateur avant de débrancher sur la caméra principale. L’homme au micro reprend le fil conducteur avec un souffle court avant de commenter, la voix haletante, cet évènement qui marquera l’humanité à jamais.

Devant des millions de téléspectateurs, un homme et une femme s’apprêtent à entrer dans l’édifice principal de l’ONU, entourés des forces de police et de la garde nationale. Cela fait à peu près 1 heure que tous les médias les suivent à la trace.


Au commencement, ils sont apparus dans un grand flash aveuglant, en plein Central Park. Je vous laisse imaginer le choc engendré par leur apparition en pleine foule, surtout un vendredi en fin de journée. Au début, il y a eu un mouvement de panique. On a même vu des blessés par balles, probablement provoqués par des tirs de policiers complètement affolés. Et les médias ont tout d'abord affirmé qu’il s’agissait de terroristes venant de commettre un nouvel attentat en plein New York, ça a sûrement pas aidé à calmer les choses.


Pourtant ces deux êtres n’ont jamais fait preuve d’aucune violence. Après être apparus comme par magie, Ils sont restés de longues minutes à admirer la flore du parc, à examiner les fleurs, les arbres, le paysage, et sans jamais répondre aux injonctions des policiers qui évacuaient la zone et qui tentaient de les encercler en vain, puis on entendit plusieurs détonations, des tirs de sommation, mais les deux êtres n’ont même pas bronché. Au bout d’un certain temps, le couple d’humanoïdes entreprit de descendre la 5ème avenue...une sorte de promenade, en se tenant la main, tout simplement. Au bout d’une demi-heure, ils avaient littéralement traversé 3 barrages de police improvisés. En fait ils passaient à travers les voitures, à travers les barrières, les balles et même les policiers, sans être ralenti un seul instant. On pourrait dire qu’ils sont à la fois tangibles car ils touchent et examinent ce qui les entourent, et à la fois immatériels lorsqu’ils passent si facilement au travers de ce ou même ceux qui tentent de les bloquer, le tout sans aucune violence et, surtout, avec un calme déconcertant.


Je vous l’ai déjà dit, les médias avaient tout d’abord parlé d’attentats terroristes en plein Central Park, surtout après avoir filmé en gros plans les nombreux blessés par balles des policiers. Puis ensuite des spécialistes avaient affirmé preuves à l’appui qu’il s’agissait de tueurs étrangers prêts à déstabiliser le pays. Mais les images télévisées en direct semblaient montrer tout autre chose: Tout d’abord on voyait bien sur les écrans que ces deux êtres avaient une apparence humaine, et ils ne faisaient preuve d’aucune violence, ni d’agressivité. Ce qui m’avait frappé, c’est qu’ils étaient d’une beauté remarquable et d’un calme presque rassurant. Ils portaient des habits sobres et stylés comme si il sortaient tout droit d’une échoppe de grand créateur. Et le détail encore plus déconcertant: ils se tenaient la main depuis le début de leur petite promenade, du célèbre parc à la 5ème avenue, puis bifurquant sur la 45ème en direction du siège de l’ONU. Tout autour d’eux se tenait une immense foule d’hommes en uniforme suivie par des dizaines de voitures de police. La plupart des rues avaient été évacuées. La 2ème évidence est qu’il semblait impossible de les stopper, les injonctions avaient fait place aux tentatives d’arrestation, puis aux essais de confinement un peu maladroits, plus tard ils essuyèrent encore des tirs provenant de barrages lourdement armés, mais rien ne semblait les atteindre. Toujours avec la même aisance et un sourire constant, Ils marchaient lentement, calmement, ignorant les forces de l’ordre et les témoins, mais admirant les rues, les quelques arbres clairsemés et aussi les bâtiments. On aurait dit qu’ils étaient en vacances et s’extasiaient devant la beauté de nos rues. Après environ une heure de ‘promenade’, ils sont arrivés au pied du bâtiment onusien devant lequel le commentateur de CNN s’apprête à reprendre le direct.


A l’intérieur de l’édifice se déroule au même moment un sommet international de la dernière chance, la plupart des présidents, des ministres, des dictateurs et des hommes de pouvoirs y sont à nouveau réunis afin de débattre de l’avenir social, économique et éventuellement écologique de l’humanité, sous haute sécurité. En réalité, ils sont pas vraiment là pour prendre des décisions, mais plutôt pour fixer la date du prochain sommet de la dernière chance, et les trois, cinq, dix suivants évidemment. Trente minutes plus tôt, le parvis du bâtiment avait été vidé. La garde nationale et les forces de sécurité avaient évacué à grand renfort de lacrymogènes et de tirs en l’air les milliers manifestants hostiles au sommet, puis ils avaient activé les systèmes de sécurité et bloqué l’énorme porte blindée de la grande salle de réunion du conseil de l’ONU, protégeant ainsi le célèbre édifice de toute intrusion. De toutes façons, il était trop tard pour évacuer. Et comme on sait désormais qu’il est impossible de les stopper, la tension est à son paroxysme.


Les deux êtres s’approchent de la grande porte, bloquée et protégée par des dizaines de gardes, le doit cramponné à la gâchette. A nouveau, ils traversent le tout comme des hologrammes, sans ralentir, sans regarder qui que ce soit. Puis ils franchissent la porte blindée et entreprennent de descendre les escaliers de la grande salle, se tenant toujours la main au milieu des puissants de ce monde, totalement hébétés par ce spectacle inédit.

Certains les trouvent magnifiques lors qu’ils montent sur l'estrade et qu’ils jaugent rapidement le public, toujours avec ce même léger sourire agaçant, d’autres sont pris de panique et tentent vainement de quitter la salle, il y a de nombreux signes de croix, des prières à haute voix, des gémissements, un brouhaha recouvert par des dizaines de sonneries de téléphones. Tout à coup, la femme se met en avant. “Elle est vraiment belle” se dit un des technicien qui point la caméra sur elle.

S’exprimant en parfait anglais, la jeune femme demande que le micro soit activé afin qu’elle puisse s’exprimer devant toutes les nations. Alors que les téléphones perdent instantanément leurs réseaux, aucun puissant, aucun ministre, aucun dictateur ne bouge ni ne parle. La femme prend sa respiration, puis s’adresse solennellement à son audience:

“Nations et peuples de la terre, nous sommes vos juges universels. Nous avons été désignés pour faire le procès de l'humanité. A partir de demain, 5 avocats humains seront choisis, ils seront chargés de vous défendre durant 5 jours terrestres, à l’aube du jour suivant nous déciderons de votre sort.”


Les traducteurs n’ont même pas besoin d’exercer leur art, la femme s’exprimant désormais dans une langue que le monde entier comprend instantanément. C’est d’ailleurs sur ce point, et aussi sur les tenues vestimentaires des deux êtres, que les spécialistes ont débattu ensuite des heures durant sur plusieurs chaînes d’information, avant que quelqu’un ne leur rappelle réellement le fond du problème: “un procès de l’humanité? Pour juger le genre humain?, pour nous juger de quoi au juste?”.

Des cabinets d’avocats célèbres flairant un filon lucratif dépêchent immédiatement des dizaines de leurs meilleurs éléments afin de faire le siège de l’ONU. Une foule de costumes chic et mallettes de cuir hurle devant les portes, chacun prétendant être le meilleur pour négocier cette affaire...mais les règles cette-fois ci sont bien différentes, elles ne viennent pas d’ici, de la terre, ces règles viennent de très loin et nous n’avons pas le choix que de les appliquer.

“Nous reviendrons ici même demain matin à l’aube” dit la femme, puis les 2 humanoïdes disparaissent dans un halo lumineux, laissant l’assemblée et les médias abasourdis. Beaucoup prétextent à une hallucination collective, d’autres à un canular gigantesque, mais tout le monde sait, dans son for intérieur, que tout ceci est vrai.

Cette nuit là, il n’y eut que des débats, des analyses, des éditions spéciales du journal télévisé, des séquences en boucle de l’arrivée des deux humanoïdes. Cette nuit là, peu de gens ont dormi.



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...à suivre prochaînement: Chapître II : "La sélection"


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